du Tigre
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Quand l’Arabie Saoudite s’ouvre au monde
1 décembre 2022Spécialiste d'Arabie Saoudite
« Un petit voyage en Arabie Saoudite ? ». S’il y a encore cinq ans poser cette question n’avait aucun sens du fait de la fermeture du pays aux non-musulmans, en 2019 le roi a décidé d’ouvrir les portes de son royaume au monde entier !
« Pourquoi ? », se demandera-t-on. Eh bien les justifications de cette ouverture ont une origine bien précise, elles s’inscrivent dans « Vision 2030 », une stratégie gouvernementale très ambitieuse. Cette dernière répond à une problématique de taille : l’Arabie Saoudite ne peut plus seulement dépendre de l’exploitation et de la revente du pétrole pour sa croissance économique et le tourisme représente, parmi d’autres initiatives, une des solutions pour diversifier les sources de revenus du royaume.
Cette transition identitaire peut être perçue comme une source de paradoxes, car entre discours et réalité, conservatisme et progressisme, fermeture et ouverture, l’Arabie Saoudite est une société qui se cherche, qui se construit et se déconstruit, parfois de façon maladroite, parfois avec cohérence. Selon nous, au vu de ces éléments, un voyage sur place est donc une expérience en soi.
Alors qu’y a-t-il à voir en Arabie Saoudite ? Où dormir ? On vous invite à le découvrir dans cet article.
Au cœur de l’Islam... sans pourtant s’y trouver
L’Arabie Saoudite demeure sans conteste le cœur de l’Islam. C’est entre la Mecque et Médine que, selon les récits traditionnels, un marchand du nom de Mahomet, futur Prophète des musulmans, reçoit en 610 ap. J.-C la révélation de l’archange Gabriel qui deviendra le Coran.
Peu de temps après, Mahomet et ses proches réussissent à imposer l’Islam dans toute l’Arabie et, en à peine plus d’une centaine d’années, ses successeurs bâtiront des empires qui s’étendent de l’Espagne à l’Afghanistan… La Mecque reste jusqu'à nos jours le lieu vers lequel les musulmans du monde entier se tournent pour prier ; quant à Médine, la deuxième ville sainte abritant le tombeau du Prophète.
A la Mecque, les pèlerins se réunissent et tournent autour de la "Kaaba"
Chose troublante dans un voyage en Arabie Saoudite, c’est que vous pourrez vous rendre où bon vous semble… sauf à la Mecque et dans la mosquée du Prophète à Médine ! On ne visite donc pas le cœur de l’Islam pour l’Islam, mais pour tout le reste… Alors que voir vraiment en Arabie Saoudite ?
Des sites culturels insoupçonnés
Ce sont principalement des sites préislamiques que vous pourrez visiter lors de votre prochain voyage en Arabie Saoudite. En effet, avant les empires arabes, de nombreux autres royaumes occupaient déjà la péninsule. Mais ceux qui ont laissé les traces les plus visibles sont surtout les Nabatéens et leurs imposants mausolées, la même « civilisation » à l’origine de la célébrissime cité de Pétra en Jordanie.
Les Nabatéens et les vestiges d’Hegra
Au Ier siècle de notre ère, les Nabatéens sont maîtres d’une région hautement stratégique qui s’étend du Sinaï au Levant en passant par une partie de la péninsule arabique. Un royaume extrêmement riche, car tous ceux qui transitaient par-là devaient payer une taxe, une manne qui est rapidement devenue l’une des principales sources de revenus de ce petit royaume prospère. Après la construction de la fameuse Pétra, dans l’actuelle Jordanie, Hegra voit le jour, une cité dont les vestiges restent sans aucun doute l’attraction la plus impressionnante à voir de nos jours en Arabie Saoudite.
© Patrick Ringgenberg
L’ancienne cité nabatéenne est érigée sur un axe commercial nord-sud qui reliait autrefois le Levant à la Mecque. Et sur ce carrefour d’importance subsiste aujourd’hui un complexe monumental de tombes creusées à même la roche, aux façades richement décorées et remarquablement bien conservées. Les lieux sont d’autant plus magiques qu’ils se trouvent dans une région splendide entourée de déserts et d’oasis.
Quatre nécropoles distinctes totalisent 131 monuments funéraires et 2000 tombeaux plus petits. Seulement une poignée de ces vestiges peut être visitée, car de nombreuses missions archéologiques sont en cours et restreignent l’accès au tourisme.
En observant ces monuments de plus près, vous pourrez remarquer des façades richement décorées par de nombreuses inscriptions. L’attention donnée au détail, ainsi que la taille de ces monuments, dépend notamment du statut social des dignitaires qui y sont enterrés. Ce sont également les marques de piété des pèlerins, de passage dans la région, qui sont gravées sur ces monuments.
Ne manquez pas de visiter « Jabal Ithlib », un lieu un peu plus énigmatique au Nord-Ouest du site qui ressemble à un corridor d’une quarantaine de mètres, creusé entre deux parois, et auquel on attribue une vocation religieuse encore peu documentée. Les mystères qui entourent ce site tiennent aussi au fait que les Nabatéens conservaient leurs archives et leurs écritures quotidiennes sur du papyrus ou du cuir, des documents qui n’ont pas subsisté aux aléas du temps. On ne peut donc que compter sur les gravures pour documenter cette civilisation exceptionnelle qui a progressivement disparu avec l’annexion du royaume à l’Empire romain en 106 apr. J.-C.
Vidéo promotionnelle de l'UNESCO
La vieille ville d’Al-Ula
À une vingtaine de kilomètres de là, la vieille ville d’Al-Ula est un exemple unique de cité ancienne construite en pisé. La petite localité, constituée de 870 maisons, est tellement dense qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’un seul ouvrage ! Actuellement abandonnée, une promenade dans ses petites ruelles vaut le détour.
Et à quelques centaines de mètres de là, une magnifique palmeraie produit plus de 90'000 tonnes de dates par année. Une activité agricole intense dans un lieu calme et magique où il fait bon se promener !
Michel Hoffer, Au Tigre Vanillé
Jabal Ikmah
Toujours dans la même région, visitez « Jabal Ikmah » où vous pourrez contempler plus de 450 inscriptions en langues sémitiques : dadanique, araméen, minaïque et autres ancêtres de l’arabe. Une véritable machine à remonter le temps pour prendre conscience de la diversité culturelle qui régnait dans ces lieux.
Les pétroglyphes de Jubbah
Dans une autre région du pays, le petit village de Jubbah et ses 170 maisons est surtout célèbre pour son art rupestre datant du néolithique. Ces pétroglyphes dépeignent les activités du quotidien de personnes qui ont vécu ici il y a plusieurs milliers d’années. Tenues vestimentaires, coiffures, dessins d’animaux ou encore armes d’époque nous en disent long sur le mode de vie préhistorique.
© Patrick Ringgenberg
Des contrastes d’architecture
À Djeddah, ne manquez pas de flâner dans les rues d’Al-Balad, le cœur historique de la ville. Vous découvrirez des maisons-tours en pierre de corail décorées par de grandes structures en bois sculptées appelées « roshan », dont certaines ont plus de 400 ans. Une cité ancienne qui contraste largement avec les autres quartiers de la ville où les centres commerciaux modernes et les bords de mer réaménagés se sont imposés comme lieux de villégiatures du quotidien des Saoudiens.
Photos de la ville de Djeddah
Entre déserts et oasis
Sans surprise, l’Arabie Saoudite est un pays recouvert par les déserts et parsemé d’oasis. Le royaume possède toutefois une grande diversité de paysages !
La région de Tabuk
Entre Al Ula et la ville de Tabuk, faites la traversée en 4x4 du grandiose Wadi Dissah, cette dernière région, montagneuse, est tout à fait propice pour se retirer et profiter de la nature. Colonnes de roches aux formes singulières sont la caractéristique de ces vallées reculées. Une opportunité pour des randonnées agréables ponctuées de pauses pique-nique dans une ambiance pleine de quiétude.
Wadi Al-Disah
Le désert d'Hisma
Autre désert à ne pas manquer : celui d’Hisma. Il est considéré comme le pendant saoudien du désert jordanien du Wadi Rum et abrite les mêmes formations rocheuses curieuses. Il n’en reste rien, mais c’est bien ici qu’eurent lieu les premières batailles arabo-byzantines qui ont marqué les débuts de l’expansion musulmane. Une région ou les wadis creusent les vallées, mais aussi la demeure du silence !
Hubert Vereecke
Où passer la nuit ?
Depuis l’ouverture du royaume au tourisme, de nombreuses chaînes hôtelières se sont empressées d’y trouver leur place. L’Arabie Saoudite se donne pour ambition d’attirer une clientèle aisée et propose donc des expériences raffinées dans des architectures d’une grande originalité. On notera toutefois que la plupart des projets sont encore en construction, que l’offre est dès lors relativement pauvre et qu’il faut laisser le temps à la mise en œuvre de la stratégie touristique.
Al-Ula Habitas
« Al-Ula Habitas » est la principale adresse qui nous vient à l’esprit lorsque nous pensons à l’Arabie Saoudite. Elle se compose d’un nombre de villas limitées, qui s’intègrent parfaitement à l’environnement rocheux des alentours, à l’écart des routes et du bruit des villes. Les habitations sont sobres, élégantes et raffinées. L’hôtel propose l’accès à un fitness et des expériences de bien-être qui, au vu du décor dans lequel se situe Habitas, contribueront à donner l’impression de se trouver dans un autre monde !
Banyan Tree Al-Ula
Tout comme « Al-Ula Habitas », le « Banyan Tree Al-Ula » offre un complexe de villas individuelles sous l’apparence de tentes. Adossé à de petites montagnes, ce lieu pourra devenir votre pied-à-terre pour une retraite en profondeur grâce au silence qui y règne et son magnifique spa. Coup de cœur pour la piscine nichée entre deux parois rocheuses.
De nouvelles offres pour 2023
Au vu de la récente ouverture au tourisme, l’Arabie Saoudite est encore en pleine mutation et certains projets sont toujours en cours de développement. On citera ici les deux grandes chaînes « Aman » et « Six Senses », qui ont toutes deux pour dessein de s’implanter dans le pays.
« Aman » a choisi de s’établir à Al-Ula, contribuant ainsi au tourisme de luxe dans la région. La chaîne projette la construction de trois hôtels directement financés par le Fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite. D’ailleurs, si cette région fait autant parler d’elle – et que nous en parlons beaucoup ici - c’est parce que le gouvernement a décidé d’en faire son cheval de bataille pour attirer les touristes étrangers.
Images de synthèse du projet Jean Nouvel (Photos : luxe.net)
Quant à « Six Senses », le groupe envisage d’ouvrir un complexe hôtelier en 2023 qui « s’inspirerait de la présence nabatéenne dans la péninsule arabique ». On quitte ici Al-Ula pour « The Red Sea Project », une zone de développement dans la mer rouge. Une entreprise qui aurait donc une vocation plus balnéaire que culturelle.
Enfin, dernier projet que nous citerons dans cet article, celui du très célèbre architecte français Jean Nouvel, connu notamment pour avoir réalisé le « Louvre Abou Dhabi », le « Musée national du Qatar », mais aussi la « Philharmonie de Paris » ou encore les gares du Leman Express et le projet, avorté, du Musée d’art et d’histoire de Genève. Cette nouvelle création signée Jean Nouvel, toujours à Al-Ula, promet d’être novatrice, l’idée étant de construire un hôtel… directement dans la roche.
Quelques mots de conclusion
Ces nombreux projets sont les témoins d’un pays qui bouge et qui cherche le regard du monde. Un pays qui a décidé de sortir de sa zone de confort, l’or noir, pour se lancer dans d’autres secteurs économiques. Quand bien même elle le ferait avec maladresse, et certainement aussi avec une forme de langue de bois, l’Arabie Saoudite constitue à notre sens une destination intéressante pour les amateurs d’originalité, mais aussi de géopolitique. Rien de mieux qu’un voyage sur place pour se faire son propre avis !
ON VOUS A DONNÉ ENVIE DE PARTIR EN ARABIE SAOUDITE ?
Nous aimons prendre le temps nécessaire pour mieux cerner les envies de nos voyageurs afin d'offrir une expérience qui corresponde le plus possible à leurs attentes.