du Tigre
D'Athènes à Mycènes : entre archéologie et paysages
Octobre. Des jours qu’on roule depuis Athènes dans un climat doux, fuyant les premières bises romandes déjà annoncées par la météo. Ici, en Grèce, le soleil est bien là, mais le monde est rentré chez lui. Quelques derniers touristes déambulent dans l’aéroport et les serveurs des restaurants, détendus comme jamais, prennent tout leur temps pour nous servir, un sourire aux lèvres, après une folle saison à courir après les commandes. Il n’y a plus que les Grecs en Grèce, et nous, et quelques autres.
On file vers le sud, passage d’abord par un isthme de Corinthe industriel qui nous fait douter de notre voyage : « On aurait plutôt dû aller sur les îles, dit l’un d’entre nous », « Non, non, tu verras, c’est juste ici que c’est un peu moisi. Plus bas, c’est magnifique ! ». Je m’accroche à cette croyance l’espace d’une petite journée, un souvlaki et une salade grecque me remontent rapidement le moral…
Dépassé l’isthme, nous voici récompensés. Par les paysages, en premier lieu, ceux-là même dans lesquels on imaginerait les armées de Sparte marcher des kilomètres sous les yeux de Zeus vers Athènes, rivale de toujours. Puis par les sites archéologiques, étrangement différents de d’habitude sans perches à selfie, sans t-shirts « I love New York », sans queue à faire à l’entrée. On arrive à Mycènes, tellement vieille que Diogène n’était pas né, enroulée sur elle-même comme un serpent sur le haut d’une colline isolée, et ces étranges entrées qui s’enfoncent dans la terre… c’est là qu’on aurait trouvé le masque d’Agamemnon, cette fameuse assiette dorée au visage béat à qui on aurait envie de tirer les oreilles !
Vient ensuite Acrocorinthe, citadelle qui rappelle l’Olympe et les querelles des dieux, son temple en contrebas où on se laisse à imaginer les fidèles de Poséidon procéder aux libations. Et le théâtre d’Epidaure à l’acoustique aussi fine qu’une salle d’opéra moderne, le cinéma des Grecs, eux qui se réunissaient là pour assister à leurs propres tragédies. Voilà la Grèce, authentique, comme il y a 2500 ans !
Le savoir-faire des Grecs en matière d'hébergements
On roule encore, les chemins se font plus petits, mais le désir de voir la suite, lui, grandit. Il avait raison cet ami, le Péloponnèse est une expérience, et ce, particulièrement au croisement des saisons où il fait juste assez chaud pour encore manger en terrasse en t-shirt, mais un poil trop froid pour les irréductibles de la bronzette.
Pour passer la nuit, il faut savoir que les Grecs sont des artistes de l'hébergement. Qu'il s'agisse de villas ou d'adresses, les intérieurs sont épurés, esthétiques, d'une simplicité déconcertante... ils reflètent un art de vivre vieux comme le monde qui a l'expérience de l'essentiel et qui sait se défaire du superflu.
La touchante simplicité de Monemvasia
Enfin, dans l’un des trois bras de mers qui s’étirent vers le sud on se retrouve face à une anomalie. Une presqu’ile anormalement haute reliée au continent par un filet de goudron. « C’est là, Monemvasia ? ». Pourtant, il n’y a rien, rien encore. On avance prudemment avec notre voiture, yeux grands ouverts, à la recherche de la cité médiévale promise par les guides.
Et enfin, la voilà. Perchée en hauteur sur un flanc de montagne, entourée de murailles qui plongent directement dans la mer. Monemvasia n’accepte pas les voitures, elle veut rester dans le calme. A l’intérieur, un dédale de ruelles, le son des vagues qui battent la roche et celui de la même eau qui retourne à la mer. Personne, hormis quelques petits groupes qui divaguent ci et là, émerveillés par la touchante simplicité des lieux. La bourgade médiévale est, certes, vite traversée, mais sa beauté est si dense que chaque pas vaut cent mètres dans une autre cité.
Au pied d’un escarpement, un sentier mène dans les hauteurs. De là, on prend connaissance de l’étendue de la mer, on voit la ville blottie dans ses remparts et l’air du large nous soulève les cheveux. Autour de nous, des ruines d’un temps où les empires existaient encore. La promenade vaut largement le détour : un zigzag entre édifices abandonnés, églises, murets de pierres blanches…
On s’offre une dernière flânerie silencieuse, dans le même lieu, mais dans un autre décor, celui de la nuit. Et, le lendemain matin, dès que paraît l’aurore aux doigts de rose, nous poursuivons vers l’ouest poussés par notre hâte de visiter d’autres lieux mythiques !