du Tigre
L'interview
Entre ciel et terre avec Claude Nicollier
13 juillet 2022Un matin de juillet, Diana, l’une de nos spécialistes des régions andines a rendez-vous avec Claude Nicollier dans un café de Lausanne pour peaufiner les derniers préparatifs d’un voyage qui promet d’être exceptionnel : « Les Andes entre ciel et terre ».
L’unique Suisse à avoir été dans l’espace accompagnera en effet nos voyageurs dans une aventure à travers l’Argentine, la Bolivie et le Chili. Le fil rouge ? L’observation de la voûte céleste, qui sera d’ailleurs largement commentée par notre astronaute, en sus des splendides paysages désertiques d’Atacama et du salar d’Uyuni.
LES ANDES ENTRE CIEL ET TERRE
Du 14 octobre 2022 au 29 octobre 2022, voyagez en compagnie de Claude Nicollier à travers l'Argentine, la Bolivie et le Pérou !
Une rencontre matinale qui fut aussi l’occasion d’une interview… Depuis sa banquette pourpre, Claude Nicollier nous fait voyager dans les Andes, en orbite et même aux origines de l’univers ! En quoi consiste ce voyage ? On commence par lever les yeux au ciel :
Claude Nicollier : Ce qui est intéressant, c’est qu’on se trouvera dans l’hémisphère sud où le ciel est complètement différent du nôtre. Croix du Sud, Alpha et Beta du Centaure, constellation du Scorpion ou encore centre galactique et Nuages de Magellan… tous ces objets ne sont pas, ou peu, visibles depuis chez nous. Un des objectifs de ce voyage est donc d’introduire ce nouveau ciel aux participants.
On commencera par scruter la voûte céleste à l’œil nu, je pense que c’est important de débuter par-là, et on passera ensuite aux jumelles, et aux télescopes. Et à la fin du voyage, on visitera les grands observatoires du Chili qui se situent à plus de 2500m d’altitude. Ceux qui le peuvent auront peut-être même l'occasion de monter à ALMA, à 5000m !
Ces énormes télescopes sont exceptionnels puisqu’ils sont utilisés pour observer le ciel profond. On peut voir des galaxies telles qu'elles étaient il y a des milliards d’années et mieux comprendre l’expansion de l’univers ! (dit-il en nous faisant voir des photos d’objets célestes)
Vous nous montrez là des images de la Voie lactée… Est-ce à la portée de tous de prendre d’aussi belles photos ?
Claude Nicollier : La condition, c’est d’avoir un appareil avec un objectif de grande ouverture, de 2.8 ou mieux. Quelques secondes de pause donnent de splendides paysages de la Voie lactée. Mais il ne faut pas non plus laisser l'obturateur ouvert trop longtemps, sinon on remarquera les petits traits qui marquent le mouvement des étoiles dans le ciel… Mais ce sera aussi l’occasion de partager des conseils photo avec les participants !
Vous qui avez été un peu plus près de ces étoiles que la plupart du monde… qu’avez-vous retenu de vos expéditions dans l’espace ? Des sensations ? Des émotions en particulier ?
Claude Nicollier : Voir la Terre d'une altitude de 600km, de jour comme de nuit, avec sa stupéfiante beauté et variété de paysages, était incroyable… mais ce qui a le plus compté pour moi, c’est le bonheur d’avoir participé à des missions qui avaient un sens profond.
J’ai contribué à quatre missions, dont deux vers le télescope Hubble. Au niveau du travail à accomplir, je n’étais pas dépaysé une fois dans l’espace, parce qu’on avait suivi de nombreux entrainements, notamment en piscine où la navette et le télescope étaient répliqués de manière très réaliste.
Ce qui a le plus compté pour moi, c’est le bonheur d’avoir participé à une mission qui avait un sens profond.
Lors de l’une de mes missions, notre vaisseau arrimé à Hubble, mon rôle a été de sortir de la navette, en scaphandre, durant 8h, et de remplacer l'ordinateur central du télescope, ainsi qu'une caméra de pointage. Tout était millimétré, c’était un véritable défi et une tâche exigeante qui a été le fruit d’un travail de plusieurs années. Mais j’aime penser que lorsqu’on fait des choses qu’on aime, on ne s'arrête jamais !
On lit souvent que vous êtes le seul astronaute suisse ? Est-ce vraiment le cas ? Si oui, pourquoi ?
Claude Nicollier : Oui, c’est le cas… mais j’aimerais préciser ici que ce ne sont pas le talent ou l’enthousiasme qui manquent en Suisse pour ce métier. J’ai eu une chance extraordinaire de faire tout ce que j’ai pu faire ! Le problème est qu’il n’y a pas assez de places dans le corps des astronautes européens. La Suisse fait bien partie des programmes spatiaux de l’ESA (Agence spatiale européenne), mais il y a aussi 21 autres états membres, et une poignée d’astronautes seulement sont sélectionnés tous les 10 à 15 ans. Actuellement, plusieurs Suisses et Suissesses sont en compétition, j’espère que certains d’entre eux réussiront à passer la sélection vers la fin de cette année.
De plus en plus d'initiatives privées visant à se rendre dans l'espace voient le jour. Avez-vous un avis sur ce nouveau type d'expédition ?
Claude Nicollier : Il est important de préciser qu’il n’y a pas vraiment de compétition entre le privé et le public dans ce secteur. Une des missions principales de la NASA est l'exploration de l'espace. L'agence spatiale américaine a volontairement décidé de déléguer au secteur privé la tâche du transport de fret et de personnes vers l'espace. Il y a donc SpaceX, fondé par Elon Musk, qui est devenu un prestataire officiel de la NASA, mais aussi Boeing. On parle donc plutôt de coopération entre le privé et la NASA plutôt que de compétition.
Et donc… À quand des voyages Au Tigre Vanillé dans l’espace ?
Claude Nicollier : Hmmm… cela reste assez cher… Le vol suborbital, qui consiste à aller dans l’espace et descendre tout aussitôt, coûte quelques centaines de milliers de dollars. À titre d’exemple, Virgin Galactic demande 400'000$. Personnellement, je ne recommande pas une pareille dépense pour seulement effleurer l'espace !
Le vol orbital est bien plus intéressant, mais coûte beaucoup plus cher. Pour une dizaine de jours dans l’espace, il faut compter aujourd'hui 55 millions de dollars. Donc je pense que les voyageurs du Tigre Vanillé devront attendre encore quelques années avant de pouvoir aller dans l’espace, mais les prix vont baisser, donc ne vous découragez pas !
Redescendons un peu sur Terre : quel a été votre plus beau voyage ici-bas ?
Claude Nicollier : Mes voyages en Amérique du Sud ont probablement été parmi les plus spectaculaires, et plus particulièrement ceux dans les Andes. Je garde un très bon souvenir de ces nombreux cônes volcaniques, lagunes aux flamants roses, où le ciel est bleu de jour et, la nuit, se remplit d’étoiles.
J’ai aussi en tête un groupe que j’ai accompagné en Antarctique lors d’un voyage organisé par le Tigre Vanillé, nous avons vécu une magnifique aventure et avons gardé de très bons contacts, on se voit d’ailleurs régulièrement. Ce groupe a même un nom : les « pingouins vanillés » !
J’ai aussi en tête un groupe que j’ai accompagné en Antarctique lors d’un voyage organisé par le Tigre Vanillé, nous avons vécu une magnifique aventure et avons gardé de très bons contacts, on se voit d’ailleurs régulièrement. Ce groupe a même un nom : les « pingouins vanillés » !
Y a-t-il des personnalités qui vous inspirent ou dont la philosophie guide vos pas et vos objectifs ?
Claude Nicollier : Il y a Einstein, Gandhi… mais aussi Newton et son « Principia Mathematica » publié il y a plus de trois siècles et qui contient toutes les lois qu’on utilise aujourd’hui encore pour aller sur la lune !
Il y a aussi Antoine de Saint-Exupéry, et ses deux magnifiques ouvrages "Terre des hommes" et "Vol de nuit".
À un niveau plus personnel, mon père. Ce dernier disait toujours qu’il fallait mériter ce qu’on fait. Quand on allait faire du ski, par exemple, il fallait faire de la peau de phoque, et pas seulement descendre. Il nous a incités à nous fixer des objectifs et à les poursuivre… dans l’effort.
Je pense aussi à mon professeur de mathématique du gymnase, le professeur Delessert, que j’ai retrouvé par la suite à l’université et qui m’a appris à adorer les mathématiques.
Quand on allait faire du ski, par exemple, il fallait faire de la peau de phoque, et pas seulement descendre. Il nous a incités à nous fixer des objectifs et à les poursuivre… dans l’effort.
Et enfin, une question existentielle pour l’astrophysicien que vous êtes : de votre point de vue, d’où proviennent l’univers et la vie ?
Claude Nicollier : Que vous répondre ? Il y a quelques certitudes, ou quasi-certitudes, et beaucoup de choses qu'on ne comprend pas. Il semble assez clair que l'univers a eu un début, le "Big Bang", il y a environ 13.7 milliards d'années. Certaines étapes de l'évolution de la matière inanimée, depuis le début de l'univers, sont bien comprises, d'autres moins, et comment la vie a pu apparaître sur la Terre il y a 3 milliards d'années environ est encore un grand mystère. Il y a eu ensuite cette extraordinaire évolution de la vie jusqu'à une espèce qui se pose des questions sur sa propre origine, c'est magique !
Merci beaucoup de votre temps, Claude Nicollier. On se réjouit de ce voyage avec vous et d’en apprendre plus sur l’univers !
Claude Nicollier : Merci, je me réjouis aussi de rencontrer de nouveaux voyageurs !
VOUS SOUHAITEZ PARTIR EN COMPAGNIE DE CLAUDE NICOLLIER ?
Déserts lunaires, lagunes émeraude, volcans enneigés, canyons aux falaises ocre et immenses étendues de sel… Apprenez-en plus sur l'itinéraire de ce voyage en lisant le programme détaillé !